Beni-illman : 1957
Durant la nuit du 28 au 29 mai 1957, le « colonel » Mohammedi Saïd et sa bande de moudjahidine avaient massacré au couteau et à la hache les 374 hommes du village des Beni-illman. Le lendemain, le Comité de Coordination et d’Exécution (Krim Belkacem, Benyoucef Benkhedda, Abbane Ramdane et Saâd Dahleb) (2) fit porter la responsabilité du carnage sur l’armée française. A New-York M’Hamed Yazid, le représentant du FLN, insiste pour qu’une commission internationale lève le voile sur les auteurs du massacre. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, à Paris, René Coty, le président de la république, refuse toute idée d’enquête ! Bien que ridicule, l’argument avancé par René Stibbe semble avoir convaincu Mohammed Harbi.
Mohammed Harbi : ‟Je n’ai pas eu de divergences sérieuses avec Boulahrouf : il avait l’art de l’esquive et savait éviter les questions gênantes. Averti des réalités de l’appareil, il lui arrivait cependant de défendre une vision manichéenne qu’il s’évertuait, par simple prudence, à faire partager sans trop y croire lui-même.
‟Ce fut le cas lors du massacre de Beni-Illmane (Melouza). Dans un premier temps nous en attribuâmes tous la responsabilité à l’armée française. Nous reprochions à nos amis, dont Me Pierre Stibbe, d’imputer ce massacre au FLN. Le refus du gouvernement français d’accepter une commission d’enquête internationale que demandait en vain M’hammed Yazid, notre délégué aux Nations unies, prouvait à nos yeux sa responsabilité dans le massacre. Mais l’émotion passée, le doute s’empara de moi. Je décidai de prendre rendez-vous chez Me Stibbe hors de son cabinet, et de m’expliquer avec lui. Selon Stibbe, le président de la république française, René Coty, qui s’était adressé à la nation pour condamner ce massacre, ne pouvait se compromettre dans la combine qui aurait consisté à l’attribuer faussement au FLN” (1).
Meknassa : 1998
Dans une question écrite datée du 12 mars 1998, Bernard Hugo, sénateur RPR, crut profiter, comme il le dit lui-même, ‟d’une brèche ouverte par les déclarations du secrétaire général de l'ONU, du haut-commissaire aux Droits de l'homme, de l'UNICEF et du haut-commissariat pour les réfugiés” pour demander ‟la mise en place d’une commission d’enquête internationale” sur les crimes de masse commis en Algérie. Le sénateur ‟demanda au ministre des affaires étrangères de bien vouloir lui indiquer s'il est dans l'intention du Gouvernement de demander la constitution d'une commission d'enquête internationale sur la situation en Algérie”.
Plus de trois mois plus tard, la réponse du ministre des affaires étrangères est publiée dans le journal du Sénat. L’idée d’une commission d’enquête est rejetée au motif que ‟beaucoup d'Algériens considèrent (…) que les responsables des massacres perpétrés dans leur pays sont clairement identifiés. Ils se demandent également comment la commission pourrait enquêter concrètement sur l'action des groupes armés terroristes”
Note :
- : Mohammed Harbi : Une vie debout, page 199, Casbah éditions 2001
- : Projet de communiqué découvert par la police le 17/10/1957 dans les archives de Haffaf Arezki alias Houd, commandant des liaisons et renseignements Zone Autonome d’Alger.