L’eau dans la bouche du chef d’Etat-major.

     

"L’eau est une source de vie et de développement. Elle constitue également un outil de pression et de marchandage tel qu’en témoignent de nombreux paysages internationaux, et un moyen pour alimenter l’instabilité interne des Etats en situation de stress hydrique, d’insécurité alimentaire et d’incapacité à créer un système national solide et durable en la matière". Général de Corps d’Armée. Général Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’ANP.

En quoi sommes-nous concernés par cette angoissante éventualité ? Dans notre voisinage, y’a-t-il une puissance en mesure de faire de l’eau un outil de pression et de marchandage et alimenter l’instabilité de l’Algérie ? Tout le long des années 70 et 80, des universitaires palestiniens, libanais, jordaniens, irakiens, syriens et égyptiens ont produit de brillantes études sur les périls auxquels allaient s’exposer états et sociétés du Proche et Moyen-Orient lorsque l’eau aura cessé d’être abondante.  Dans toutes ces études, la rareté de l’eau n’était pas une simple hypothèse, c’était une certitude. La revue « Markez eddirassat el arabiya » publia une excellente synthèse de toutes ces études au début des années 80.

Le colloque national à l’ouverture duquel le chef d’état-major prononça son discours d’ouverture avait pour thème : "l'eau au cœur des conflits internationaux". Lorsqu’on juxtapose la carte hydrographique du nord de l’Afrique de l’Est (Egypte, Soudan et Ethiopie) à la carte géopolitique de cette région toute proche du Moyen-Orient où Israël au sud et la Turquie au nord mènent des guerres impitoyables à leurs voisins en les privant d’eau, on se dit oui, l’eau est effectivement une arme de destruction massive sans équivalent dans les guerres déclarées ou pas.

Avec son méga-barrage de la Renaissance, l’Ethiopie a cassé la position hégémonique de l’Egypte sur les pays de la région. A terme, soudanais et égyptiens pourraient voir le Nil tarir.  

Dans Le projet de l’Anatolie du Sud-Est les autorités turques ont construit vingt-deux barrages dont six ouvrages géants sur le Tigre et sept autres sur l’Euphrate rendant ainsi d’immenses régions en Irak et en Syrie invivables pour les hommes, les bêtes et les végétaux. Dans pas longtemps on parlera de terres mortes.   

Au sud, Israël vole les eaux souterraines palestiniennes, les eaux du lac de Tabariya, détourne les eaux d’El-Hassbani, El-Ouazzani et, pendant un temps, du Litani, les principaux cours d’eau dans le sud du Liban.  Chaïm Weizmann, le dirigeant du mouvement sioniste projetait de s’emparer des eaux du Liban dès 1919, soit 29 ans avant la création de l’état d’Israël. Le chef d’état-major algérien découvre l’importance de l’eau 60 ans après l’indépendance, après plus d’un demi-siècle de stress hydrique !

Le général de corps d’armée Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’ANP, n’a donné aucune indication sur le pays qui pourrait priver l’algérien des quelques litres d’eau qu’il reçoit au hasard des circonstances. Qui empêche le gouvernement algérien de construire suffisamment de barrages et de permettre aux gens de se désaltérer, de se laver, de cuisiner et d’irriguer le plus possible de terres pour se nourrir et se prémunir des pressions étrangères, l’Ethiopie, Israël, la Turquie ou la Mongolie ?   

Angle mort, le 21 mai 2022